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Agronomie

Canicule de juillet 2022 : quels impacts sur nos cultures ou élevages ?

Serge Zaka
11 juillet 2022
1 Commentaire

Alors que la saison culturale bat son plein en France, une canicule des plus intenses s’installe avec des températures allant au-delà de 40°C, à partir du 12 juillet et pendant une semaine. Les régions les plus concernées par cette vague de chaleur d’été seront toutes les régions au sud d’une ligne Brest-Nice. Les productions les plus concernées par des risques de pertes de rendement seront le maïs et le lait. Cet évènement caniculaire intervient durant la phase phénologique de (pré)-pollinisation du maïs, une phase sensible aux hautes températures.

Analyse détaillée d’impacts mais aussi d’adaptations et de solutions pour la production de lait, pour le tournesol et le maïs.

Météo agricole : canicule juillet 2022

  • Du 12 au 14 juillet : Les températures vont monter progressivement sur l’ensemble de la France. Ce sont toutes les régions allant des Pays de la Loire à la Vallée du Rhône qui seront exposées avec des températures dépassant les 40°C en Occitanie et Nouvelle Aquitaine. Cette première partie de la canicule est acquise.
  • Les 15 et 16 juillet : Une relative accalmie devrait concerner le nord-est. Le sud-ouest de la France ne devrait pas profiter de cette accalmie. Cette seconde partie de la canicule est très probable.
  • A partir de 17 juillet : Une très forte remontée d’air chaud concernera toute la France. Elle sera particulièrement problématique puisque les 40°C seront dépassées sur de nombreuses régions. Une fois de plus c’est le sud-ouest qui sera particulièrement exposés avec des températures dépassant les 42°C sur plusieurs jours. Cette seconde partie de la canicule est encore incertaine notamment pour les régions les plus au nord.

40°C : croissance du maïs stoppée

Le maïs rentre dans une zone d’inconfort pour son développement, pouvant affecter le rendement et marquer une baisse de la production lors de ces journées caniculaires où les températures seront comprises entre 35 et 40°C. Le maïs freine sa croissance dès 31°C. Il faut préciser les seuils suivants.
Dès 40°C :
– la croissance/pollinisation s’arrêtent tout simplement.
– l’évapotranspiration est nettement plus élevée engendrant un stress hydrique qui se somme au stress thermique.

Dès 44°C :
– éclatement des cellules voire sèche-cheveux.

On estime que l’impact sur le rendement sera plutôt faible à modéré localement. Mais c’est à surveiller car il y a aussi une sécheresse en cours. Les fortes températures augmentent l’évapotranspiration et peuvent faire baisser l’indice hydrique de la plante

Le stress thermique met en danger la pollinisation du maïs

Les courbes de réponses à la température ont été largement étudiées en conditions contrôlées. Dès 31°C, le maïs subit des températures supra-optimales, c’est-à-dire que la croissance et le développement ralentissent jusqu’à 40°C où ils s’arrêtent. Ainsi, même si le maïs est une plante plutôt résistante, suivant la durée de la canicule, il pourra subir un retard de croissance. Il est cependant à noter qu’il est en avance au 10 juillet du fait de températures optimales ces dernières semaines.

Cependant, ce n’est pas directement la température qui sera problématique pour sa croissance et son développement. La canicule va entraîner une hausse de l’évapotranspiration dans un contexte d’une sécheresse marqué au printemps et malgré une relative accalmie fin juin. Si la canicule dure, c’est un problème hydrique qui prendra le dessus sur le problème thermique dès ce week-end.

Courbe de réponse à la température de divers processus de croissance et de développement du maïs issue de Parent et Tardieu (2012)

Pollinisation du maïs

C’est actuellement le gros point noir pour le maïs, car la pollinisation va être affectée. Sur une large partie sud-ouest, le bassin principal de production du maïs de France, la majorité de champs est en période de floraison. Or, c’est la période la plus sensible à la chaleur. En effet, dès 35°C la viabilité du pollen ainsi que la fécondation (la migration du pollen vers l’ovule pour la formation du grain) deviennent inférieure à 50%. Cela pourrait entrainer des avortements de grains et un important manque à gagner pour les producteurs.

Pour aller plus loin à ce sujet, nous vous conseillons de lire la publication de Parent et Tardieu (2012).

Canicule agricole : exemple de la ville de Auch dans le Gers

–  Dès le 12 juillet, le 1er seuil d’impact (température supérieure à 35°C, baisse de la fécondation) est atteint.
–  Dès le 13 juillet, 30% de probabilité d’atteindre le 2ème seuil (température supérieure à 40°C correspondant à l’arrêt de la croissance et de la fécondation).
–  Dès le 17 juillet, 5% de probabilité d’atteindre le 3ème seuil (léthal).

La durabilité de l’évènement est également déterminante (cumul temporel d’impacts). On voit un écartement des scénarios à partir du 15 juillet, signe d’une faible fiabilité sur la durée de l’évènement. Au-delà de la température, c’est l’augmentation de l’évapotranspiration qui risque de diminuer l’indice hydrique des sols (après une fragile amélioration en juin).

Conséquences de la canicule sur le tournesol

Semé au printemps pour être récolté en automne, le tournesol est également très sensible au stress hydrique. Au moment de la pollinisation du tournesol, il faut éviter le stress hydrique pour que la plante produise ensuite à pleine capacité. A cause du déficit de précipitations couplé aux vagues de chaleur à répétition, les plantes souffrent et les rendements sont menacés. Les phases de cultures ne sont plus en accord avec le climat nécessaire.

Croissance et développement : D’après les études en conditions contrôlées, le tournesol devrait mieux s’en sortir que le maïs. En effet, malgré un commun optimum à 31°C, la résistance aux températures supérieures à 35°C est plus importante.

Cependant, ce n’est pas directement la température qui sera problématique pour sa croissance et son développement. La canicule va entraîner une hausse de l’évapotranspiration dans un contexte d’une sécheresse marqué au printemps et malgré une relative accalmie fin juin. Si la canicule dure, c’est un problème hydrique qui prendra le dessus sur le problème thermique.

Courbes de réponse à la température de divers espèces cultivées issues de Parent et Tardieu (2012)

Pollinisation : Tout comme la croissance et le développement, la pollinisation du tournesol est plus résistante aux fortes températures que le maïs. Le seuil des dégâts est plutôt situé autour de 38°C contre 35°C pour le maïs. Les dégâts potentiels seront, par conséquent, moins importants.

Pour aller plus loin à ce sujet, nous vous conseillons de lire la publication de Kalyar, Tanveer & Rauf, Saeed & Teixeira da Silva, Jaime & Shahzad, Muhammad (2013).

Tableau des dégâts potentiels dus au stress thermique issu de Kalyar, Tanveer & Rauf, Saeed & Teixeira da Silva, Jaime & Shahzad, Muhammad (2013).

Stress thermique de la vache laitière en juillet

Le stress thermique n’est pas un sujet nouveau. En revanche, l’impact des vagues de chaleur sur le déficit de confort thermique des animaux d’élevage s’observe de plus en plus fréquemment, particulièrement dans la filière lait, à cause du changement climatique.

Un épisode de canicule entraîne une baisse de la production de lait et des problèmes de reproduction sur le long terme. Chaque jour où il fait plus de 35°C, on peut avoir 10 à 15 % de production de lait en moins, et au-delà de 40°C, c’est 20 % de baisse de production. Cela engendre des pertes économiques importantes pour l’éleveur. Il faut donc pouvoir le prévenir de ces épisodes caniculaires pour qu’il veille à l’abreuvement et qu’il puisse notamment modifier la ration et la proposer aux heures les plus fraîches

Le stress thermique chez les ruminants est le fruit de la combinaison de la température et de l’humidité. Le calcul d’un indice spécifique, l’indice THI (Temperature-Humidity Index), permet d’identifier en amont les périodes sensibles afin de garantir un bien-être animal et une production laitière ou de viande optimale pour l’éleveur. Il ne tient pas compte des effets de courant d’air, de radiation ou de durée d’exposition. Il est utilisé comme référence dans la majeure partie des études rendant son utilisation pertinente pour apprécier facilement une situation climatique.

La canicule risque d’être très problématique pour les vaches laitières pour deux raisons :

  • L’intensité : Les indices THI (température et humidité) seront sévères entre le 12 et le 17 juillet sur une grande partie de la France, voire à la limite du seuil létal sur une minorité de simulation du côté des Landes.
  • La durée : nous sommes sur un évènement qui risque de durer plus d’une semaine. Ainsi, couplé à l’intensité, on observera l’installation d’une fatigue corporelle chez les bovins. Les conséquences économiques et sur le bien-être animal vont ainsi se cumuler de jour en jour. Il est à noter que plus la canicule est longue, plus le temps de récupération sera long à la fin de la canicule. De plus, les études montrent que les effets de la canicule sur la production de lait sont long terme, perdurant des semaines après l’épisode de chaleur.

Il faudra également surveiller tous les élevages au sol et en bâtiments non adaptés à ces niveaux de température (porcs, volailles notamment).

Stress thermique pour les animaux d’élevage (Rennes – Bretagne), projections jusqu’en 2100.

En observant le THI, le producteur peut évaluer précocement un risque de pertes de production. L’échelle du THI s’étend de 64 (pas de stress) à 120+ (stress extrême).

A partir de l’indice THI 87 (atteint entre 31° et 38°C) on constate des pertes de lait sévères sur les exploitations, si rien n’est mis en place.

Evolution du stress thermique chez la vache laitière à Rennes de 1950 à 2100.

Ce diagramme représente le nombre de jours de stress thermique jusqu’à 2100 selon les projections de température tenant en compte le changement climatique. Le jaune indique un stress thermique léger, qui pose peu de problème, le confort des bovins se situant entre 60 et 68 de THI. Les stress plus modérés en violet augmente au fur et à mesure et ce, sans compter les événements de stress thermique sévères qui apparaissent sous les effets du changement climatique comme ce printemps en juin 2022 et cet été en juillet 2022.

Monitoring et prévisions : Suivre avec attention l’état de santé du troupeau

Pendant les périodes de stress élevé, le troupeau a besoin d’une surveillance supplémentaire pour être pris en charge rapidement en cas de problème de santé. Les vaches déjà vulnérables peuvent souffrir davantage pendant les périodes de chaleur et nécessiter des soins particuliers.

Des outils de suivi ont été développés pour monitorer la santé et le bien-être du troupeau et de chaque individu à chaque instant. L’un d’eux est Farmlife, conçu par ITK pour surveiller la santé et la reproduction du bétail. Farmlife s’est récemment enrichi d’un nouveau service de prévision du stress thermique, Heat Adapt. Ce service s’appuie sur des prévisions météorologiques maillées utilisées pour le calcul de l’indice THI, et permet aux éleveurs d’agir dès les premiers signes de stress thermique pour éviter une baisse de la production laitière et des problèmes de reproduction. Les indicateurs de suivi du comportement en temps réel dans Farmlife permettent à l’agriculteur surveiller depuis sont téléphone les effets des mesures prises pour atténuer le stress thermique de chaque animal. Enfin, l’exploitation laitière peut profiter en fin de saison d’informations comparatives sur les mesures prises par les exploitations dans des conditions similaires qui sont capables de maintenir des niveaux de production plus élevés pour augmenter leur résilience et les mettre en œuvre l’année suivante pour améliorer la conduite de son cheptel lors d’une vague de chaleur.

Heat Adapt est une solution complète qui aide les éleveurs à anticiper, atténuer et s’adapter aux événements de stress thermique.

Commentaires 1
  • Nicolas
    12/07/2022 11:57

    Très intéressant !
    Mais qu’en est-il des conséquences mesurées dans les élevages intensifs (lapins, porcs, poulets) ?

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