Images satellitaires et sécheresse : attention aux comparaisons hâtives !
C’est l’image de la journée sur Twitter : le jaunissement des images satellites, notamment sur les principaux bassins céréaliers. Nombreux partages, nombreuses exclamations ! La sécheresse est pointée du doigt. Mais donc, est-ce vraiment un effet de la sécheresse ? ITK vous propose une réflexion plus approfondie, basée sur deux comparaisons principales : la comparaison entre le printemps et l’été d’une même année et la comparaison entre étés de deux années différentes.
La comparaison d’images entre printemps et été 2019 : une comparaison maladroite !
Comparer des images du printemps 2019 avec celles de l’été 2019 pour mettre en avant une sécheresse de surface est très maladroit. En effet, le jaunissement des cultures annuelles (blé, orge, colza, maïs etc.) et des prairies fourragères est un phénomène tout à fait naturel. Il est notamment dû à la remobilisation des réserves foliaires vers le grain afin de garantir la survie des espèces annuelles d’année en année. En d’autres termes, la plante met tous ses efforts dans le remplissage des graines, laissant son feuillage jaunir.
Ainsi, comparer des images du printemps 2019 à l’été 2019 ne met pas en avant la sécheresse de surface mais plutôt l’avancée naturelle des stades phénologiques.
Pour évaluer l’effet d’une canicule sur le jaunissement de la végétation, il faut comparer deux dates très proches afin de s’affranchir au maximum des différences de stades phénologiques. Par exemple, la comparaison entre le 26 et les 29-30 juin 2019 est pertinente :
The consequences of the french #heatwave on environment are now visible from space. Crops were strongly affected. Foliages turn yellow!
Les conséquences de la #canicule sont visibles depuis l’espace. Les cultures ont rapidement jauni !@infoclimat @ITK_web @KeraunosObs pic.twitter.com/V3z5acKe68— Zaka Serge (@SergeZaka) 2 juillet 2019
La comparaison d’images entre été de deux années différentes : attention aux différences entre stades phénologiques !
Il est plus correct de comparer des images sur deux années différentes. Cependant, deux points sont à prendre en compte :
- Nos climats ont la caractéristique d’être très variables d’année en année (on parle de forte variabilité inter-annuelle). Les deux années comparées ne doivent pas être deux extrêmes de notre climatologie. Il faut comparer 2019 à une année proche des normes hydriques et thermiques.
- Une comparaison à date égale d’année en année n’a pas de sens si on ne considère pas la phénologie de végétaux (même si elle reste meilleure que la comparaison d’image entre printemps et été d’une même année).
Pour mettre en avant l’effet « sécheresse », il faut que les deux images soient à un stade phénologique comparables : c’est-à-dire qu’il faut faire une comparaison pour des cumuls de degrés-jours égaux. Notamment, il est délicat de comparer deux années durant la première quinzaine de juillet. C’est en effet durant cette période que se fait la récolte des céréales à paille dans les principaux bassins de production (Beauce, Champagne, Picardie etc). Une comparaison sur cette période est dangereuse car le « roussissement » observés peut être dû à la photographie par le satellite de « sols nus » dus à des dates de récoltes inter-annuelles différentes. Ou encore, une différence de deux semaines pour un même stade phénologique (s’expliquant par exemple par une douceur printanière pour l’une des années suivie d’un été normal dans les deux cas), peut donner de fortes différences de couleur des images satellites en juin et juillet pour une même réserve hydrique dans le sol.
Avec les très fortes températures observées en juin (voir l’article précédent), la sécheresse de surface est indéniablement marquée en 2019. Elle est responsable d’une partie du jaunissement de la végétation constatée par image satellite. Cependant, au-delà de l’effet « waou » des réseaux sociaux, il faut réussir à nuancer ces images « spectaculaires » en se plaçant dans le meilleur contexte agroclimatique pour comparer ce qui est comparable.
Pour l’équipe d’ITK-Labs
Serge Zaka, agroclimatologue (serge.zaka@itk.fr)
Bonne analyse (as usuel) et Excellente leçon de rigueur ; même so, à la base, les RS n’en sont pas vraiment le ferment et que le jaune y intéresse plus, s’il est « porté » (gilet, maillot).
En revanche, sur les plantes pérennes, même entre printemps et été 2019, le dépérissement par manque d’eau et aridité est patent: les pins sur Montpellier , forêts de chênes sur mon Limousin natal.
Bon w e à tous .
Très intéressant .c’est un bon travail d’analyse.